« Nous voulons vivre » et la question sociale

Nous avons pris connaissance d’un texte intitulé « Nous voulons vivre ! ». Nous partageons l’essentiel de ses positions et de ses éléments d’analyse. C’est cette solidarité politique qui nous pousse à proposer de nous appuyer sur son propos pour rebondir et ouvrir un autre champ, celui de la question sociale et du travail.

Le confinement partiel imposé par la crise sanitaire, dans les conditions et les variations que nous connaissons, résulte certes d’une difficulté extrême du système à faire face à la crise sanitaire.  Cette difficulté est déterminée par un service public de santé limité, dégradé et par pans entiers liquidés par des politiques austéritaires. Elle se déploie dans un processus de valorisation capitaliste et de commandement dont, à juste titre, le texte souligne la dimension écologique.

Le travail vivant, élément central

Mais il faut, à notre sens, prendre en compte un élément central. Nous sommes dans une nouvelle phase de l’économie mobilisée, du commandement. La crise sanitaire sert de point d’appui non seulement pour « rétrécir » et appauvrir la vie en général mais pour asservir le travail vivant, pour le capter et lui imposer des qualités nouvelles, pour lui arracher la résistance, la capacité de lutte et d’auto-détermination qui sont les siennes.

La menaces de la catastrophe, les moyens officiels de la conjurer passent tous par la soumission, par l’acceptation de remettre totalement et inconditionnellement notre vie, notre travail vivant, aux mains du bloc dominant. 

Le capital et les appareils étatiques se saisissent de nos vies dans ce qu’il y a de plus intime. Ils détiennent spectaculairement la possibilité de conjurer la menace, d’être soigné.e ou vacciné.e. La contrepartie est notre obligation d’accepter le risque d’un travail gouverné tout entier par l’entrepreneuriat.

Une soumission de qualité nouvelle

La crise sanitaire est l’occasion de nous soumettre dans une qualité nouvelle. Elle ouvre une période d’exception qui doit nous disciplinariser, casser les contestations, éradiquer les résistances et donc du coup fermer la ligne des possibles. La fin ou la contention de la crise sanitaire prolongera cette soumission dans une nouvelle phase de crise politique, sociale et économique du système.

Nous en sommes au début. Aujourd’hui, pour le bloc dominant, tout dans la vie peut être réduit, démantelé ; tout doit être décliné au récit de la catastrophe, tout doit être acceptation de s’en remettre au commandement, à la domination. La tension entre « la santé et l’économie », selon le dilemme complaisamment réitéré par la communication de l’état de siège, revient à dire que nous devons renoncer au souci de notre vie, à notre revendication de l’auto-détermination pour décider des conditions de défense de notre existence et nous en remettre à merci au commandement.

L’affirmation de cette exigence, le fait que la protection contre la menace sanitaire soit exclusivement, dans ses agencements comme dans ses objectifs, du ressort du patronat et des appareils étatiques entend frapper au cœur notre capacité d’antagonisme.

Combattre

Reculer sur notre capacité de contre-pouvoir sur le noyau dur du travail vivant revient à perdre la bataille décisive de la question sociale. Céder sur notre capacité d’auto-détermination pour peser sur nos conditions de santé, de sauvegarde, d’intégrité de notre travail vivant revient à faire avancer à bride abattue l’asservissement, l’attaque généralisée contre l’institution salariale, contre notre capacité de pouvoir populaire, contre notre puissance.

C’est pourquoi on ne peut affirmer que nous voulons vivre sans du même coup soutenir que le dilemme de la soumission ou de l’auto-détermination du travail est décisive et donc que cette lutte doit être ouverte ici et maintenant. C’est un combat radical pour notre intégrité.

Naturellement, toutes les conditions pour de grandes batailles stratégiques ne sont pas réunies. Mais celles de la résistance le sont. C’est bien un long chemin d’accumulation de forces, de construction de puissance qu’il faut parcourir. Chaque élément d’auto-valorisation, chaque combat pour ponctuel qu’il apparaisse, a une capacité de défi, de signe, de communication qui peut précipiter l’organisation de la lutte et le rapport de forces. Car le « nous voulons vivre » sur le terrain de la question sociale c’est affirmer le travail vivant, défiant, combattant face à l’ordre établi.

L'Ami-e du Peuple