Le racisme gangrène Lausanne

Nous, un ensemble de collectifs actifs à Lausanne, sommes profondément choques par les comportements des médias romands ces derniers jours. Ce qui nous a particulièrement révoltes, c’est de voir d’une part des propos creux incitants à la haine et d’autre part des diffamations. Nous observons un manque de travail journalistique critique basé sur l’investigation et l’analyse. Nous dénonçons la tribune offerte dans les médias romands à des propos diffamatoires et racistes. C’est pourquoi aujourd’hui nous souhaitons être entendus.

Si nous parlons du deal de rue, il nous faut aussi parler :

  • De la nature profondément raciste des allégations qui ont été́ faites. Car parler du deal de rue en ciblant exclusivement des hommes noirs venus d’Afrique de l’Ouest est un cliché raciste récurrent qui encourage et banalise le racisme anti-noir.e.s. Le racisme est normalisé si bien que les violences policières à l’encontre des noir.e.s à Lausanne sont passées sous silence. Nous vivons dans une ville où la police est libre d’exercer son métier en fonction de la couleur de peau des gens avec qui elle interagit, et où, dans les médias, un meurtre est nommé́ une « erreur » ou un « contrôle musclé ». Par ailleurs les personnes qui dealent à Lausanne sont très loin d’être seulement africaines et noires, mais l’attention de la police ainsi que des médias se concentre uniquement sur ces dernières.
  • Du droit à l’image et à qui on le vole. Exhiber ainsi sur les réseaux sociaux et les médias des hommes africains, cela encourage la stigmatisation autour des corps noirs et par conséquent le racisme anti-noir.e.s. Prendre des photos des gens sans leur consentement, lorsqu’on sait parfaitement que ces gens n’auront pas la possibilité́ de porter plainte pour diffamation, et les publier sur Facebook ou dans les journaux en traitant ces gens de « dealers », relève de la lâcheté et de l’opportunisme médiatique. Nous demandons à ce que ces photos soient effacées et à ce que les citoyen-ne-s et les médias en général accordent une attention soutenue aux conséquences sociales et politiques de leur utilisation d’images photographiées et filmées.
  • De l’usage de drogue qui est un enjeu de santé publique mondial. Pourquoi les Suisses consomment-ilelles de la drogue illégale? Car la Suisse privilégie une culture de la performance et du pouvoir. La Suisse a choisi un système basé sur quatre piliers (prévention, thérapie, réduction des risques et finalement répression) pour lutter contre la consommation de drogue illégale. Alors que les recherches convergent toutes vers la même conclusion que la répression n’a jamais permis d’éradiquer la drogue nulle part, 2/3 des ressources de la lutte contre la drogue illégale continuent d’être allouées à la répression.
  • De la politique d’asile et de la guerre qui est faites à l’extérieur et à l’intérieur des frontières de l’Europe et de la Suisse, où les êtres humains sans statut légal ou au statut précaire sont criminalisés. Ces politiques nient à ces personnes leurs droits fondamentaux et les forcent à survivre sans permis ni régularisation. Ces situations perdurent dans le temps, et ces personnes sont forcées à vivre dans la précarité, sans accès au logement, à la santé, au travail et donc à trouver des moyens de survie dans l’économie souterraine. Si tout le monde avait le droit de travailler, si des opportunités de travail étaient créées, personne ne choisirait de vivre dans la rue et/ou de vendre de la drogue.
  • De la politique économique de la Suisse qui favorise la libre-circulation des capitaux et des marchandises au détriment des personnes et qui s’inscrit dans une logique politique et économique néocoloniale. Ainsi la Suisse, non-contente d’avoir participé et de participer encore activement à créer de la précarisation dans le Sud global, poursuit cette précarisation au sein de ses propres frontières pour les personnes qui viennent ici chercher des conditions de vie moins marquées par la misère, la guerre, etc.

En conclusion, nous proposons les solutions suivantes : droit de travailler pour toustes, permis de séjour pour toustes, nouvelle réflexion sur les priorités dans la lutte contre la consommation des drogues, ouverture des frontières.

Nous souhaitons aussi soutenir les revendications que le collectif Jean Dutoit a faites dans son communiqué de presse du 31 mai 2018, notamment la rectification des informations fausses et des excuses de l’ATS.

Collectifs signataires : Outrage Collectif, Collectif Droit de Rester Vaud, Collectif Jean Dutoit, Collectif R.

Avec le soutien de : CPT (Vevey), Collectif Sans-Retour (GE), Perce-Frontière (GE), Super Licorne (GE), Groupe Regards Critiques, Collectif St-Martin, Où êtes-vous toutes?, Bla*sh (Suisse alémanique), Slutwalk Suisse (GE), Le GAF (GE), groupe « L’Ami-e du peuple », Décroissances-Alternatives (Vevey), SolidaritéS Vaud.

L'Ami-e du Peuple